Le jeune homme contemplait la une du journal, fasciné par le portrait de ce milliardaire parti de rien qui venait de révolutionner son secteur. Abandonnant ses études d’ingénieur, il vida son compte épargne pour créer sa startup dans un garage. Trois mois plus tard, criblé de dettes et d’amertume, il reprenait timidement le chemin de l’université.
Cette histoire, combien l’ont-ils vécue ? Combien se sont brûlés à vouloir reproduire l’éclair de génie d’un autre, oubliant les milliers d’heures de labeur, les échecs répétés, les circonstances particulières qui ont forgé ces success stories exceptionnelles ?
« Vantez les terres élevées mais tenez-vous sur les terres basses », rappelle un proverbe chinois d’une sagesse déconcertante. Car admirer n’est pas imiter. L’héroïsme inspire, mais il ne se décrète pas.
Les sommets fascinent par leur majesté, leurs prouesses défient l’imagination. Pourtant, ceux qui tentent de les escalader sans préparation ne récoltent que chutes et déceptions. Les terres basses, elles, offrent la stabilité, la fertilité, la possibilité de construire durablement.
Cette leçon traverse les époques et les domaines. En entreprise, admirer Steve Jobs ne transforme pas chacun en visionnaire révolutionnaire. En sport, s’émerveiller devant Messi ne suffit pas à devenir un génie du ballon rond. En art, vénérer Picasso ne garantit pas de révolutionner la peinture.
La vraie sagesse consiste à puiser l’inspiration dans l’exceptionnel tout en cultivant patiemment son propre jardin. À applaudir les exploits héroïques sans perdre de vue ses propres forces, ses propres limites, son propre chemin.
Car au final, les terres basses nourrissent les civilisations quand les sommets ne font que les éblouir.
