La métaphore filée est une métaphore qui se prolonge sur plusieurs phrases ou plusieurs vers, développant une même image ou comparaison à travers plusieurs aspects. Contrairement à la métaphore simple, elle ne se limite pas à une seule expression, mais elle construit une continuité d’images associées à un même thème. Ce procédé permet de créer une richesse descriptive et poétique en tissant une toile d’images qui se répondent et se complètent.

Figure de style : La métaphore filée

Exemple classique : Du Bellay

Dans son sonnet Ces cheveux d’or, Du Bellay développe plusieurs réseaux métaphoriques autour de l’amour et de la passion. Il file la métaphore sur trois niveaux distincts, mais interdépendants :

  1. La flamme qui brûle :« Amour la flamme autour du cœur éprise »
    Cette image du feu qui consume évoque la passion amoureuse, une chaleur qui enflamme le cœur et l’âme de l’amant.
  2. Le trait qui blesse :« Ces yeux le trait, qui me transperce l’âme »
    Ici, les yeux de l’être aimé sont comparés à une flèche qui transperce l’âme, créant une blessure profonde, symbolisant la souffrance de l’amour.
  3. Le lien qui enchaîne :« Ces cheveux d’or sont les liens »
    Les cheveux de l’aimée deviennent les chaînes qui emprisonnent l’amant, suggérant l’irrésistibilité de l’amour et de la captivité qu’il entraîne.

Ces trois images se développent tout au long du poème, enrichissant le thème central de la passion amoureuse en la décrivant comme une combinaison de feu, de blessure et d’enchaînement. Chaque réseau métaphorique est lié aux autres et se poursuit dans une progression logique.

Exemple moderne : Raymond Queneau

Dans un tout autre registre, Raymond Queneau propose une métaphore filée de la gastronomie dans l’un de ses Exercices de style. Il file une seule métaphore, celle de la nourriture, tout au long du texte :

« Après une attente gratinée sous un soleil au beurre noir, je finis par monter dans un autobus pistache où grouillaient les clients comme asticots dans un fromage trop fait. »

Cette première phrase donne le ton : chaque élément de la scène est traduit par une image culinaire. La chaleur est « gratinée », les passagers sont des « asticots » dans un « fromage trop fait », et l’autobus est comparé à un plat au « beurre noir ». Ce qui pourrait sembler anodin est transformé en une série d’images gastronomiques.

Tout le texte suit ce modèle, avec des images alimentaires qui se succèdent : un homme est une « grande allumette », un autre se met à « bouillir », et le texte entier ressemble à un festin littéraire.

Les caractéristiques de la métaphore filée

  1. Continuité : La métaphore filée se prolonge sur plusieurs phrases ou vers, créant une continuité thématique. Cette continuité permet de développer une idée ou une image de manière plus profonde et plus complexe qu’une simple métaphore.
  2. Réseaux d’images : Dans une métaphore filée, un ou plusieurs réseaux d’images sont souvent développés. Comme chez Du Bellay, plusieurs aspects d’une même idée peuvent être explorés à travers différentes métaphores, mais reliées entre elles.
  3. Effet poétique : La métaphore filée renforce l’effet poétique en invitant le lecteur à explorer un même thème sous différents angles. Elle permet une immersion plus complète dans le thème ou l’idée explorée, qu’il s’agisse de l’amour chez Du Bellay ou de la gastronomie chez Queneau.
  4. Cohérence thématique : La métaphore filée maintient une cohérence interne dans le texte. Malgré la diversité des images ou des expressions utilisées, le lecteur perçoit clairement l’unité thématique, que ce soit l’amour, la souffrance, ou même un sujet plus léger comme la cuisine.

La métaphore filée permet aux auteurs de déployer toute la richesse d’un thème en le déclinant sous diverses formes, et en tissant une toile d’images qui se répondent. Qu’elle soit sérieuse, comme chez Du Bellay, ou humoristique, comme chez Queneau, elle donne une grande intensité et une profondeur particulière aux textes qui l’utilisent.

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