Jean-Jacques Rousseau évoque un paysage enchanteur aux environs de Neufchâtel, où une montagne est parsemée d’habitations, chacune entourée de terres cultivées par des habitants heureux et autonomes.

Texte en français : Un pays heureux

Texte : Un pays heureux

Je me souviens d’avoir vu, dans ma jeunesse, aux environs de Neufchâtel, un spectacle assez agréable et peut-être unique sur la terre, une montagne couverte d’habitations dont chacune fait le centre des terres qui en dépendent.
Les heureux habitants de ce pays, tous à leur aise, francs de taille, d’impôts et de corvées, cultivent avec tout le soin possible des biens dont le produit est pour eux, et emploient le loisir que cette culture leur laisse à faire mille ouvrages de leurs mains. L’hiver surtout, temps où la hauteur des neiges leur ôte une communication facile, chacun, renfermé bien chaudement, avec sa nombreuse famille, dans sa jolie et propre maison de bois qu’il a bâtie lui-même, s’occupe de mille travaux amusants qui chassent l’ennui de sa demeure et ajoutent à son bien-être.
Il leur reste des loisirs pour inventer et faire mille instruments divers, d’acier, de bois, de carton, qu’ils vendent aux étrangers, dont plusieurs même parviennent jusqu’à Paris, entre autres ces petites horloges de bois que nous admirons tant. Ils en font aussi en fer; ils font même des montres; et, ce qui paraît incroyable, chacun réunit à lui seul toutes les professions diverses dans lesquelles se subdivise l’horlogerie, et fait ses outils lui-même.

J.-J. ROUSSEAU


Dans ce pays idyllique, les habitants mènent une vie simple et épanouie, débordant de créativité et de travail manuel. Malgré les rigueurs de l’hiver, ils trouvent du réconfort et de la satisfaction dans leurs activités, créant ainsi une société autonome et prospère. Ce tableau décrit par Rousseau offre une vision du bonheur et de la réussite qui semble presque hors du temps et de l’espace.