Dans cette lettre à Henriette, Guizot exprime son désarroi face à l’absence de ponctuation dans ses écrits. Il souligne l’importance des signes de ponctuation pour marquer les pauses et les nuances dans l’expression des idées, affirmant que cette absence entraîne une uniformité trompeuse dans la lecture.
Texte : La ponctuation
Ma chère Henriette, je te ferai encore la guerre sur ta ponctuation; il n’y en a point ou presque point dans tes lettres. Tout signe de ponctuation. virgule ou autre, marque un repos de l’esprit, un temps d’arrêt plus ou moins long, une idée qui est finie ou suspendue et qu’on sépare par un signe de celle qui suit. Tu supprimes ces repos, ces intervalles; tu écris, comme l’eau coule, comme la flèche vole. Cela ne vaut rien; car les idées qu’on exprime, les choses dont on parle dans une lettre, ne sont pas toutes absolument semblables et toutes intimement liées les unes aux autres, comme des gouttes d’eau.
Il y a entre les idées des différences, des distances inégales mais réelles, et ce sont précisément ces différences, ces distances, que les divers signes de ponctuation ont pour objet de marquer. Tu fais donc en les supprimant, une chose absurde : tu supprimes la différence, la distance naturelle qu’il y a entre les idées et entre les choses. C’est pourquoi l’esprit est étonné et choqué à la lecture de tes lettres; le défaut de ponctuation répand sur tout ce que tu écris une certaine uniformité menteuse, et enlève aux choses dont tu parles leur vraie physionomie, leur vraie place, en les présentant toutes d’un trait et comme parfaitement pareilles et contiguës.
GUIZOT
Guizot met en lumière le rôle crucial de la ponctuation dans la communication écrite, soulignant qu’elle permet de donner une véritable physionomie aux idées et aux propos exprimés. Son plaidoyer en faveur de la ponctuation vise à rendre la lecture plus claire et plus expressive, en respectant les nuances et les différentes couches de sens présentes dans le discours.