Dans ce passage, Lamartine décrit la célèbre bataille de Valmy, un moment décisif de la Révolution française où les troupes françaises ont repoussé l’avancée des Prussiens.
L’auteur nous plonge au cœur de l’action, décrivant l’atmosphère de chaos et d’incertitude qui régnait sur le champ de bataille.
Texte : Bataille de Valmy
L’épaisse fumée de la poudre, la poussière élevée par le choc des boulets qui émiettaient la terre, rampant sur le flanc des deux coteaux, et rabattue par le vent dans la gorge, empêchaient les artilleurs de viser juste, et trompaient souvent les coups. On se combattait du fond de deux nuages, et l’on tirait au bruit plus qu’à la vue. Kellermann forme son armée en colonnes par bataillons, descend de son cheval, en jette la bride à une ordonnance, fait conduire l’animal derrière les rangs, indiquant aux soldats par cet acte désespéré qu’il ne se réserve que la victoire ou la mort. L’armée le comprend. « Camarades », s’écrie Kellermann d’une voix palpitante d’enthousiasme, et dont il prolonge les syllabes pour qu’elles frappent plus loin l’oreille de ses soldats, « voici le moment de la victoire. Laissons avancer l’ennemi sans tirer un seul coup, et chargeons à la baïonnette ! En disant ces mots, il élève et agite son chapeau, orné du panache tricolore, sur la pointe de son épée. « Vive la nation!» s’écrie-t-il d’une voix plus tonnante encore, « allons vaincre pour elle ! »
Ce cri du général, porté de bouche en bouche par les bataillons les plus rapprochés, court sur toute la ligne; répété par ceux qui l’avaient proféré les premiers, grossi par ceux qui le répètent avec enthousiasme, il forme une clameur immense, semblable à la voix de la patrie animant elle-même ses premiers défenseurs. Ce cri de toute une armée, prolongé pendant plus d’un quart d’heure et roulant d’une colline à l’autre, dans les intervalles du bruit du canon, rassure l’armée avec sa propre voix, et fait réfléchir le duc de Brunswick. De pareils cœurs promettent des bras terribles.
LAMARTINE
À travers la description de l’audacieuse stratégie de Kellermann et de l’unité indomptable des soldats français, Lamartine illustre l’esprit de résistance et de détermination qui a marqué la Révolution française. Cette scène emblématique de la bataille de Valmy incarne la force du patriotisme et la capacité du peuple à se mobiliser pour défendre ses idéaux, symbolisant ainsi un tournant dans l’histoire de la nation française.