L’aposiopèse est une figure de style qui consiste à interrompre soudainement une phrase, laissant le lecteur ou l’interlocuteur imaginer la suite des propos. Cette figure traduit souvent une hésitation, une émotion forte ou une menace non exprimée. Le terme vient du grec siopan signifiant « se taire », ce qui résume bien l’essence de cette figure, où le silence devient un moyen d’expression puissant.
Définition de l’aposiopèse
L’aposiopèse marque une rupture dans le discours, une interruption volontaire qui laisse l’idée incomplète. Le locuteur, pour des raisons diverses (hésitation, émotion, menace, etc.), choisit de ne pas terminer sa phrase. Le silence laisse donc place à l’interprétation et pousse l’interlocuteur à deviner ce qui n’a pas été dit. Cette figure est souvent signalée par des points de suspension.
Exemples d’aposiopèse
L’aposiopèse trouve sa place dans la littérature, le théâtre, et même dans les échanges quotidiens. Elle exprime parfois une émotion trop forte pour être verbalement formulée, ou encore un sous-entendu trop lourd de conséquences pour être clairement énoncé. Voici quelques exemples :
« Je devrais sur l’autel où ta main sacrifie
Te… mais du prix qu’on m’offre il me faut contenter. »
(Athalie, Racine)
Ici, la menace est sous-entendue, et le silence accentue la tension dramatique.
« – Oui c’est vrai ! Je voulais vous dire… »
(L’Éducation sentimentale, Flaubert)
L’aposiopèse marque l’hésitation du personnage, troublé par l’émotion, avant de changer de sujet.
« Si ce train pouvait n’être pas passé, j’en serais fort heureux. Mais puisqu’il est déjà passé… »
(Un certain Plume, Henri Michaux)
Ici, l’aposiopèse interrompt l’idée, laissant planer une mélancolie ou un regret indicible.
L’aposiopèse au service de l’émotion
L’aposiopèse est couramment utilisée pour exprimer des sentiments tels que la surprise, l’émotion, l’hésitation ou la menace. Elle permet de suggérer plus que ce qui est verbalement exprimé, tout en laissant une part de mystère et de non-dit dans le discours. C’est une figure prisée dans les dialogues théâtraux où l’émotion doit transparaître de manière subtile sans être explicitement formulée.
L’exemple d’Henri Michaux dans Un certain Plume est révélateur de l’usage mélancolique de cette figure. Le personnage exprime un regret sans le formuler entièrement, comme s’il s’abandonnait au cours des événements sans pouvoir vraiment les contrer.
L’aposiopèse est une figure de style puissante qui permet de traduire l’indicible par l’interruption volontaire du discours. Elle suggère plus qu’elle ne dit, laissant à l’auditeur ou au lecteur le soin de compléter mentalement ce qui reste en suspens. Dans la littérature et au théâtre, elle ajoute une dimension émotionnelle forte aux dialogues en laissant place à l’imagination.