L’antiphrase est une figure de style qui consiste à exprimer une idée en utilisant des mots ou des phrases qui signifient exactement le contraire de ce qu’on veut dire, souvent avec une intention ironique ou sarcastique. Par ce procédé, l’antiphrase renforce l’idée réelle qu’on souhaite transmettre, en la présentant sous forme de contre-vérité, donnant ainsi une plus grande force à l’énoncé.

Définition
L’antiphrase repose sur l’opposition entre le sens apparent et le sens réel d’une phrase. Il s’agit d’une manière subtile de dire une chose en laissant entendre exactement l’inverse, tout en comptant sur l’intelligence du lecteur ou de l’auditeur pour comprendre le véritable message.
Exemples courants
Dans le langage quotidien, l’antiphrase est souvent employée pour marquer une forme d’ironie :
« C’est du propre ! »
pour signifier qu’une situation est condamnable ou désordonnée.
« Bravo, c’est malin ! »
reprocher une action maladroite ou absurde.
« Ne te gêne surtout pas ! »
pour critiquer un comportement déplacé ou impoli.
Usage littéraire
Les auteurs classiques ont utilisé l’antiphrase pour mettre en lumière des critiques sociales, politiques ou morales, en dénonçant subtilement l’hypocrisie ou la corruption. Par exemple, Montesquieu dans ses Lettres persanes utilise l’antiphrase pour dénoncer l’injustice faite aux Africains sous un ton apparemment bienveillant :
« De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains. »
Ce faisant, il critique ceux qui minimisent ou justifient cette injustice.
Dans Ruy Blas de Victor Hugo, l’antiphrase se charge d’une ironie cinglante pour critiquer la corruption des ministres :
« Bon appétit, Messieurs ! O ministres intègres ! Conseillers vertueux ! »
Le roi feint d’encourager ses ministres à continuer leurs actions malhonnêtes, tandis que l’ironie mordante révèle son mépris.
Antiphrase et ironie
L’antiphrase est souvent associée à l’ironie, car elle nécessite un décalage entre ce qui est dit et ce qui est sous-entendu. Dans Dom Juan de Molière, Sganarelle, valet de Dom Juan, enchaîne les antiphrases avec ironie pour dénoncer l’attitude immorale de son maître :
« A-t-on jamais rien vu de plus impertinent ? Un père venir faire des remontrances à son fils… et cent autres sottises de pareille nature ! »
Ce passage regorge d’antiphrases où chaque conseil raisonnable est présenté comme une absurdité, renforçant ainsi la critique de Sganarelle.
L’antiphrase est une figure puissante pour exprimer l’ironie et la critique, tout en créant un effet d’humour ou de provocation. Elle permet de dénoncer subtilement des injustices, des comportements ou des situations, tout en ajoutant une couche de finesse à l’expression.