La prétérition est une figure de style pleine de subtilité, où l’on déclare ne pas vouloir dire quelque chose tout en le disant. Elle permet à l’auteur ou à l’orateur d’attirer l’attention sur une idée tout en prétendant la passer sous silence, créant ainsi un effet paradoxal et souvent ironique. Le terme vient du latin praeteritus, qui signifie « passé sous silence » ou « laissé de côté ».
Définition de la prétérition
La prétérition consiste à affirmer que l’on ne va pas mentionner quelque chose, mais en réalité, cela a déjà été dit ou suggéré. Cette figure de style joue avec les attentes du public, souvent en utilisant une approche subtile pour introduire des informations sans en avoir l’air. C’est une forme de manipulation rhétorique qui permet à l’orateur de se dédouaner tout en disant exactement ce qu’il prétend vouloir éviter.
Exemples de prétérition
La prétérition se décline sous différentes formes : négative, interrogative et conditionnelle. Voici quelques exemples concrets issus de la littérature pour illustrer cette figure.
Le mode négatif
Dans ce mode, l’orateur affirme qu’il ne va pas parler d’un sujet, tout en l’évoquant néanmoins.
« Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur »
(Demain dès l’aube, Victor Hugo)
Bien que Victor Hugo prétende qu’il ne va pas regarder le paysage, sa description nous invite à l’imaginer avec précision.
Le mode interrogatif
Ici, des questions sont posées sous prétexte de ne pas répéter ce qui a déjà été dit, mais chaque question renforce l’idée évoquée.
« T’ai-je encor peint, dis-moi, la fantasque inégale,
Qui m’aimant le matin, souvent me hait le soir ? »
(Satires, Boileau)
Le poète interroge son interlocuteur, tout en dressant le portrait détaillé de la personne dont il parle.
Le mode conditionnel
Dans ce cas, l’orateur semble suggérer une action tout en prétendant qu’il ne le fait pas.
« Je n’ai aucune arrière-pensée. Je ne veux pas t’influencer…
Mais si une épée comme celle-là tuait ta sœur, nous serions bien tranquilles… »
(Électre, Jean Giraudoux)
Ici, la Première Euménide feint de ne pas vouloir influencer, tout en encourageant subtilement un acte de violence.
Un exemple classique
Dans La Femme noyée de La Fontaine, on retrouve une prétérition subtile :
« Je ne suis pas de ceux qui disent : Ce n’est rien ; C’est une femme qui se noie. »
Tout en prétendant ne pas minimiser l’importance de l’événement, La Fontaine le fait justement.
La prétérition dans le langage courant
Nous utilisons souvent la prétérition dans les conversations de tous les jours, parfois sans nous en rendre compte. Par exemple :
« Je ne vais pas te rappeler que tu étais en retard… »
En disant cela, on rappelle justement la personne à l’ordre tout en prétendant ne pas le faire.
« Inutile de préciser que vous devrez travailler plus dur pour réussir… »
Ici, le locuteur fait comprendre de manière implicite qu’il s’attend à plus d’efforts, tout en prétendant que ce n’est pas nécessaire de le dire.
La prétérition est une figure de style qui permet de dire quelque chose tout en prétendant ne pas le faire. Elle est souvent utilisée pour manipuler l’attention du lecteur ou de l’auditeur, tout en créant un effet d’ironie ou de complicité. Cette figure subtile montre à quel point les non-dits et les sous-entendus peuvent jouer un rôle clé dans la communication, que ce soit dans la littérature ou dans la vie de tous les jours.